Taux d’attrition

Dans le cadre de l’évaluation d’un brevet, faut-il prendre en compte un taux d’attrition ?

Introduction

On considère que « l’innovation vieillit plus vite que le produit qu’elle crée ». Cette phrase illustre à merveille le dilemme auquel sont confrontés les évaluateurs lorsqu’ils doivent estimer la valeur d’un brevet.

Car si la protection juridique s’étend sur vingt ans, la réalité économique, elle, ne suit pas toujours le même rythme. Les technologies évoluent, les besoins changent, les concurrents innovent. La question centrale devient alors : faut-il intégrer un taux d’attrition pour tenir compte de l’érosion progressive de la valeur d’un brevet au fil du temps ?

L’attrition : la réalité économique d’un brevet

Inclure un taux d’attrition, c’est reconnaître qu’un brevet n’est pas un actif figé.

Sa capacité à générer des revenus décroît à mesure que la technologie se banalise ou que de nouvelles solutions apparaissent. Dans cette optique, le taux d’attrition reflète le déclin progressif de l’avantage économique lié au brevet.

Sur le plan méthodologique, il complète utilement le taux d’actualisation, en traduisant non pas le risque global, mais l’usure spécifique de la technologie.

Son intégration permet ainsi d’obtenir une estimation plus réaliste, notamment dans les secteurs où la durée de vie commerciale des innovations est bien plus courte que leur durée légale de protection.

Le risque de double comptage

Toutefois, introduire un taux d’attrition peut conduire à une redondance méthodologique.

Le déclin du brevet est souvent déjà capté par le taux d’actualisation, qui intègre les risques de marché, d’obsolescence et de concurrence.

Doubler ce mécanisme revient à affaiblir artificiellement la valeur de l’actif, surtout lorsque la technologie reste pertinente sur le long terme ou qu’elle est soutenue par des innovations successives.

Par ailleurs, certaines entreprises maintiennent la vitalité de leurs brevets grâce à une stratégie d’innovation incrémentale — dépôts complémentaires, extensions, partenariats technologiques — rendant la notion d’attrition moins pertinente dans ces contextes.

Mots du dirigeant

Dans la pratique, il ne s’agit pas tant de savoir si un taux d’attrition doit être appliqué, mais dans quelle mesure il reflète la réalité économique du brevet évalué. Chaque technologie raconte une histoire différente, et c’est souvent dans la compréhension fine de son cycle de vie que se joue la pertinence du paramètre.

Synthèse

Le taux d’attrition traduit une vérité que les chiffres seuls ne suffisent pas à dire : une idée, même protégée, finit toujours par s’effacer sous le poids du temps et du progrès.

Oui, il apporte une lecture plus juste dans les industries à rythme d’innovation rapide — où l’avantage concurrentiel s’effrite dès les premières années d’exploitation.

Mais non, il ne constitue pas une règle universelle. Dans les domaines où la protection juridique confère un pouvoir durable, ou lorsque la société détient la capacité d’entretenir sa technologie, le recours à un taux d’attrition devient superflu.

Au fond, la valeur d’un brevet se situe à la frontière entre le droit et le temps : l’un garantit la propriété, l’autre en révèle la fragilité.

L’évaluateur doit donc manier cette variable avec discernement — ni comme une contrainte, ni comme une habitude — mais comme un reflet mesuré de la vitalité technologique qu’il cherche à comprendre.

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